Joni Mitchell une déesse canadienne

En 1967, une jeune folkeuse quitte sa famille, son mari et son Canada natal pour tenter sa chance aux États-Unis. Joni Mitchell chante d’une voix douce et grave et joue de la guitare sèche comme personne. Ses accords laisseront Eric Clapton stupéfait. À New York, l’ancien leader des Byrds, David Crosby, la remarque et la prend sous son aile. Ensemble, ils rejoignent en Californie les communautés de hippies qui tentent d’échapper à une Amérique conservatrice et puritaine. La réputation de Joni Mitchell rencontre alors un écho grandissant. Au sein du Flower Power, où évoluent aussi Joan Baez et Janis Joplin, féministes et engagées, ou un Bob Dylan contestataire, elle se démarque par son refus de suivre les modes de la contre-culture. Ses textes, d’un raffinement inédit, sont d’une facture intimiste et poétique. Ce style nouveau dans la scène folk rencontrera un succès public stupéfiant, et ses albums « Cloud »s, « Blue » ou « Heijira « marquent leur époque ». « Introspective, sa musique devient l’une des incarnations d’une Amérique éprise de liberté.

Une perle rare qui grâce à nos réseaux omniprésents nous offre une réalisation que, même notre imagination d’auditeur le plus averti, n’aurait pu imaginer. La découverte de ce live démontre une époque ou les richesses et les interprétations musicales étaient quotidiennes. Sur cette scène live Joni Mitchell, icône de la musique folk, est entourée de musiciens qui auront une immense carrière pour chacun d’eux. Ce concert est avant tout un moment T ou la musique, d’une qualité sans pareille, nous offre de découvrir aussi tous ces talents qui marqueront les années à venir de leurs virtuosités renouvelées. Pat Metheny, Peter Mays, Michael Brecker, Jaco Pastorius … et Joni Mitchell la déesse canadienne. Déjà immortelle, icône folk malgré elle, elle aura en près de cinquante ans de carrière et une vingtaine d’albums studio, déjoué tous les pronostics de son entourage, tous les codes du genre. Tout en se baladant de jazz en fusion, de rock en pop, souvent à l’envers des modes et des diktats commerciaux, sur le fil d’une voix magique, son phrasé unique et sa guitare accordée à l’infini restera à jamais pour nourrir nos émotions.

(recorded at the Santa Barbara County Bowl/ September 1979 – 0:00 – Introduction – 1:57 – In France They Kiss On Main Street – 6:05 – Edith And The Kingpin – 10:15 – Coyote- 15:11 – Free Man In Paris – 18:40 – Goodbye Pork Pie Hat – 24:34 – Jaco’s Solo – 28:39 – The Dry Cleaner From Des Moines – 33:00 – Amelia – 39:42 – Pat’s Solo – 42:50 – Hejira- 50:03 – Black Crow – 53:57 – Furry Sings The Blues – 59:35 – Raised On Robbery – 1:02:48 – Band Introduction – 1:04:00 – Why Do Fools Fall In Love? – 1:06:23 – Shadows And Light)

David Crosby disait d’elle que son immense talent lui promettait d’être « Meilleure que Bob Dylan » et « plus prolifique que quiconque » « elle est sans aucun doute la meilleure chanteuse-compositrice de notre temps ». Son plus grand regret est de n’avoir jamais chanté avec Miles Davis. Celui-ci préférait causer pinceaux avec elle, tout en prêtant une attention au lyrisme de ses mots alliant la poésie et sa plume introspective sur des harmonies complexes … « Et pourtant, j’ai tout essayé pour jouer avec lui! Il venait me voir peindre, et lui adorait dessiner. On parlait peinture, jamais musique. Après sa mort, son fils m’a dit : « Tu sais que Miles avait tous tes disques près de son lit ? »

Dès les années quatre-vingt, elle développera une critique virulente de la cupidité et du consumérisme, plus que jamais d’actualité. En dix-neuf albums studio, celle qui a joué avec Herbie Hancock et Peter Gabriel, inspiré Prince, Björk et Janet Jackson, a modifié le cours de l’histoire de la musique.

Une biographie signée Edouard Graham – Le Mot et le reste (16/02/2017),  « Comme le dit l’auteur, Joni Mitchell est « une auteure qui, d’album en album, construit une oeuvre évolutive, variée, ponctuée de prises de risques assumées ». Edouard Graham nous dresse un portrait d’une artiste essentielle, influençant de nombreux musiciens (de Madonna, Prince jusqu’à Billie Eilish…), peu n’ont pas été ébloui par son art. Un portrait complet, sérieux, qui s’appuie sur de nombreux extraits de paroles de chansons (bien traduits) et des notes explicatives en bas de page. Mais un portrait qui n’est pas qu’élogieux: on voit les failles de Joni apparaître à de nombreux endroits et surtout un caractère en acier trempé (sans doute nécessaire pour faire carrière et durer dans le show business). Au final, le portrait d’une femme libre, de vivre sa vie comme elle l’entend, de composer la musique qu’elle souhaite et de l’enregistrer selon sa volonté, travailler avec Charles Mingus, Wayne Shorter, Jaco Pastorius ou encore Herbie Hancock, Larry Carlton (et tant d’autres!). Elle veut penser l’art comme un tout sans frontière, la musique mais aussi les arts graphiques dont elle est passionnée, dessin et peinture. Plus j’en apprends sur Joni Mitchell, plus je la trouve fascinante et essentielle. Joni est une artiste qui figurera parmi les plus importantes de la 2e moitié du XXe s et elle n’a pas fini d’encourager des vocations dans la jeune génération. »

SPECIAL PROGRAMMATION ARTE.TV (11/2023 – disponible 30/10/2023 au 28/12/2023)

Une silhouette longiligne dans une robe jaune paille face à une marée humaine qui s’étend jusqu’en haut des collines voisines : en ce 29 août 1970, le festival de l’île de Wight sait jouer des contrastes. Seule sur scène avec son piano, sa guitare et son dulcimer, Joni Mitchell comprend vite que sa prestation peut chavirer dans le chaos face à cette foule incommensurable, indisciplinée et pour partie dopée à l’acide. Certains aux premiers rangs se moquent d’elle, on l’interrompt pour un spectateur pris de malaise, un homme fait irruption pour passer une annonce… À fleur de peau, au bord des larmes, la jeune princesse du folk oublie ses paroles et stoppe ses chansons en plein envol. Mais même au bord de la rupture, elle ne se laisse pas engloutir par la folie latente du Woodstock anglais. “ »Vous vous comportez comme des touristes, « tempête-t-elle ». C’est dur de se mettre à nu en public, respectez-nous ! »” Alors que ses chansons graves et intimistes ne paraissent pas adaptées à un concert de masse en plein air, Joni Mitchell par sa force de caractère et la croyance en son art parvient à retourner la foule et à transformer son passage en triomphe en interprétant ses premiers succès, parmi lesquels « Woodstock », « Both Sides Now », « A Case of You » et « Big Yellow Taxi ». Sous le soleil doré de Wight, chapeau bas. Live at the Isle of Wight Festival 1970