Manu Dibango 1933-2020 musicien infatigable

Plus de 60 ans de carrière, des milliers de rencontres, des centaines de titres, l’auteur de l’un des premiers tubes planétaires africains, une voix unique, une silhouette reconnaissable parmi toutes… Pour le souvenir (et lui rendre hommage) voici une interview avec Amobé Mévégué de France 24.

Manu Dibango s’appelait Emmanuel N’Djoké Dibango. En bantou, N’Djoké veut dire « l’Éléphant ». L’éléphant… c’est une mémoire que l’on perd, celle d’un des créateurs de la world music. Chaque fois qu’il le pouvait, il n’hésitait pas à rappeler sa double appartenance à la fois chrétienne et bantou. Dans les groupes de musiciens qu’il formait, il y avait des musiciens de toute nationalité. Plus que des groupes, c’étaient de véritables écoles. Certains musiciens ou artistes passaient par ses formations musicales pendant cinq ou six ans et pouvaient ensuite aller jouer ailleurs ou faire une carrière solo. Il y a plein de grands musiciens comme Lokua Kanza qui sont passés par l’orchestre de Manu. De même il a joué avec Serge Gainsbourg, Nino Ferrer et a côtoyé Stevie Wonder, Herbie Hancock et tant d’autres. Le père de la world music a eu une belle et longue carrière. Carrière durant laquelle nous nous étions rencontrés lors d’une émission de « JAZZ AàZ » pour parler de son actualité, avec par la suite un concert mémorable lors d’une soirée special « African Music » organisé par RFM (Radio Freq. Montmartre), la radio ou je produisais cette émission.

Manu Dibango, né le 12 décembre 1933, est touché par la grâce musicale dès ses premières années dans le temple protestant. Puis il découvre Armstrong, Ellington, Young, Parker… Le saxophoniste, auteur et chanteur est une des grandes figures des musiques noires. C’est le pionnier de l’afro-jazz, un univers de conversations riches et fougueuses mêlant les rythmes du Cameroun et d’Afrique Centrale au jazz, au funk, à la soul et au reggae. Grâce à Soul Makossa repris et samplé partout sur la planète, il fut le premier artiste africain aux Etats-Unis à recevoir un disque d’or. Il faut savoir que le titre n’était que la face B d’un 45t dont le morceau principal était l’hymne de la coupe d’Afrique des Nations de football.

Engagé dans les combats humanitaires, il fut nommé Artiste de l’UNESCO pour la paix en 2004. Toujours curieux à l’égard des nouveaux courants musicaux, l’infatigable Emmanuel N’Djoké Dibango a su se diversifier et créer de nombreuses collaborations avec des artistes aussi différents que talentueux. Il y a une vingtaine d’années (déjà..), Manu Dibango enregistrait Wakafrica, un projet ambitieux de réunification musicale de l’Afrique. Ce disque reprend quelques-uns des plus grands tubes africains, avec la crème des artistes africains et internationaux, Youssou N’Dour, King Sunny Ade, Salif Keita, Angélique Kidjo, Papa Wemba, Ray Lema et quelques autres. Un disque produit parmi une quantité d’autres par ce musicien infatigable. Ainsi, encore à 84 ans, le nomadisme musical de Manu Dibango était toujours de mise. Après plus de 40 albums à son actif, il jette avec autant d’enthousiasme, des passerelles entre tradition et sons du futur. En 2019, il lance 2 projets scénique : un acoustique nommé African Jazz Safari et une autre symponique. Avec Safari Symphonique, il nous fait voyager à travers les racines de la musique noire, un savant mélange de rythmes traditionnels de son Cameroun natal et des sonorités jazzy, les sons de la forêt équatoriale, le souffle du vent du désert qui vont à la rencontre de la pure tradition de la musique classique européenne. Cette rencontre entre l’Europe et l’Afrique constitue l’essence même de la définition que Manu Dibango donne à cette fusion : une musique « Afropéenne ». RIP Legend Manu Dibango!